Louis Dufaure de Lajarte

Il est parfois appelé : Louis-Elie, parfois Elie-Louis. En fait, c’est Louis

Il est né et baptisé le 30 aout 1735

Le 6 septembre 1762, il habite Fossés des Récollets paroisse de Puypaulin et le 24 septembre 1765, rue des Manuts. A cette date, il acheté « les maisons et bourdieu appelés le grand et petit Raoul et la métairie appelée Les Fringues paroisse de Lormont, sur la Roque, quartier de Rouffiac et au bas de la Roque sur le bord de la rivière, lieu de Barboutin. Et ce moyennant 56.000 Livres dont 20.000 Livres comptant.

En 1768, avec son frère Antoine et leurs neveux Elie-Louis et Valentin, en fournissant leurs preuves de noblesse, ils présentent une requête : en vu de maintenir et si besoin est de confirmer leur noblesse d’extraction…

Ils disent en effet que la fonction de procureur de leur aïeul, Jean-Baptiste pouvait être considérée, par certains, comme un acte de dérogeance…

Dans leur requête ils font allusion à des raisons d’infortune de leur aïeul… Et laissent entendre que ce serait précisément à cause d’elle que certains ( ?) pouvaient parler de dérogeance.

Les jaloux et les méchants ont toujours existé, et comme de tous temps, la fortune entraine la puissance et son absence de mépris ou le dédain.

Il était important de conserver son titre de noble à causse, en particulier, des avantages fiscaux qui étaient attachés.

Je n’ai vu nulle part que la fonction de Procureur pouvait entrainer une dérogeance. Au contraire, si l’on examine l’affiche donnant la composition du parlement en 1784, l’on constate que les « Gens du Roi » sont mis en vedette : Avocat Général et Procureur.

Certains généalogistes du siècle dernier, connaissant la requête et n’en ayant pas trouvé la réponse royale, ont donc parlé – à tort – de Noblesse Inachevée des Dufaure de Lajarte.

En 1781, Louis est nommé Secrétaire au Parlement de Navarre à Pau. Il était depuis 1768, Conseiller au Parlement de Bordeaux.

En 1794, il est arrêté et emprisonné.

Le 6 ventôse An II (24 février 1794) dans le dossier de la Commission Militaire, on trouve un certificat de résidence fourni en exécution de la Convention Nationale du 28 mars 1793 (contre les émigrés).

Ce certificat est délivré à :

Louis Dufaure Lajarte, âgé de 59 ans, taille 5 pieds 3 pouces. Cheveux Blonds, yeux bleus, nez gros, visage ovale et plein, demeurant 43 rue Leyteyre depuis plus de deux ans.

Il y est dit que Antoine, Jacques, Marie-Joseph ses deux fils et J. J. Maurice de St Port, son beau-frère (il s’agit de J. J. Maurice de Sentout) sont hors de la république, sans savoir où ils sont.

Le 14 Ventôse, il comparait devant le comité Révolutionnaire

Le 18 Ventôse, ce comité perquisitionne à son domicile (23 rue Leyteyre) – qui avait été mis sous scellés.

Le 26, le Comité Révolutionnaire se transporte à la Maison d’Arrêt et emmené Louis à nouveau à son domicile pour un complément d’enquête.

Le lendemain, nouvel interrogatoire « aux prisons des Ursulines ». Le Comité transmet alors un rapport à la commission Militaire.

Au cours des ces interrogatoires, il lui est demandé s’il avait des parents émigrés : Il répond : « j’ai deux garçons qui partirent il y a environs 2 ans pour les eaux de Bagnères et je n’en ai pas de nouvelles depuis… ».

Une lettre qu’il avait reçue et qui a été saisie à son domicile, nous éclaire un peu. Il semble qu’il avait dû charger un Abbé de Vergès, à Paris, de régler quelques affaires (de quel genre ??). L’abbé lui écrit donc que « tout est réglé et je viens de la marquer à Monsieur votre fils qui m’a écrit il y a quelques jours et qui en sera bien aize (sic) car il y prend grand intérêt » (lettre datée du 29 11 1791)

Louis Avait gardé le double de sa réponse : il le remercie de la liquidation de sa créance et poursuit : « Il est encore inutile de me parler de mes enfants…. Je sens ma tendresse s’affaiblir depuis que leur absence me fait soupçonner leur mauvaise conduite… S’ils venaient à les exécuter, je ne veux plus entendre parler d’eux… 

Il prenait ainsi quelques précautions (qui furent inutiles) pour le cas où cette correspondance lui serait un jour reprochée… (Ce qui fut le cas).

Après cette lecture, la Commission Militaire pouvait l’accuser d’avoir deux fils émigrés, de fanatisme et d’avoir favorisé des prêtres insermentés.

Le 28 Ventôse, An II (18 mars 1794) la Commission Militaire prononce son jugement. Il est condamné à mort. Et la Commission décide que cette condamnation sera à l’instant exécutée, et que tous ses biens seront confisqués au profit de la République.

Etaient membres de la Commission : Morel, Vice-président, Marguerite, Barreau, Albert, membres, Giffey, secrétaire.

A l’état civil, la transcription du décès a été faite ultérieurement, le 30 prairial, An II de la république française, une et indivisible d’après les procès-verbaux remis par le Citoyen Giffrey, greffier, et le Citoyen Chaudru en la dite qualité : du 28 Ventôse An II, Louis Dufaure Lajarte, âgé de 59 ans, ci-devant noble, né et domicilié à Bordeaux.

A la fin du dossier de la Commission Militaire, il est dit que Louis possédait l’immeuble où il habitait, 43 rue Leyteyre, ainsi que le 1/3 d’une exploitation agricole à Deux Mers (près de la Brède) ainsi qu’une maison rue Neuve, donnée en location.

Les ventes des Biens Nationaux apportent quelques autres précisions sur ses biens (ainsi d’ailleurs que ceux de son neveu, Elie-Louis, également guillotiné).

le 43 rue Leyteyre : estimé a 28.000 Livres. A la vente du 13 Fructidor An VI, elle fut adjugée à 437.000 ( en assignats !) à Guillaume Poudensan, ainé, rue de la Convention.

Cenon, domaine de 37 journaux, presque tout en vignes ( un peu plus que 12 hectares). Estimé à 100.000 Livres.

St Morillon, domaine du Bel Air : 306 journeaux, estimé 77.074 Livres., plus 4.200 Livres. pour les bestiaux et le mobilier, et 34 journeaux de bois, estimé à 1.960 Livres. ‘au total 83.200 Livres.)                                                                                                        la maison

Je n’ai pas relevé trace de la vente du Grand Raoul et du Petit Raoul, maison et Bourdieu qu’il avait acheté paroisse de Mormond, en 1765 (mais il est certain que cette propriété a été vendu !)

(1)     Voir l’affiche originale – trouvé par hasard à la foire aux Puces de Bordeaux. Elle est ici reproduite. 18 mars : condamnation à mort de Louis… Curieuse coïncidence : 18 mars anniversaire d’un autre louis, l’auteur de ces notices !

Le 6 septembre 1762 il avait épousé Anne-Agathe de Gazaux, fille de Jean de Gazaux, Ecuyer, Conseiller du roi, Garde de Sceaux en la Chancellerie près de la Cour des Aydes et Finances de Guienne, et de Feue Anne Agathe Blanchard

L’acte de mariage est passé devant Lhote et Chardavoine, notaires. Le père qui séjournait au cul de sac de Léogane, à St Domingue avait envoyé son consentement par lettre du 20 juillet 1759

Etaient témoins : Thérèse Sauvage, veuve de Jean Seurin, aïeul du marié, Jean Surin, prêtre, oncle, Antoine Dufaure de Lajarte, Ecuyer, frère, Jeanne Merlet de Bellevue, veuve de jean Baptiste, cousine. La dot d’Anne Agathe était de 100.000 Livres.

 

La lettre de Jean de Cazaux nous instruit un peu sur l’esprit de l’époque. J’en respecte le style, et autant que possible l’orthographe.

 

 "Au Bel Air, Au Cul de Sac de Léogane 20 juillet 1759"

Mes chers enfans, amies de mon cœur,

J’ai reçu à la fin vos lettres en dattes diférentes

mars et avril dernier. Je les ai reçues le 7 du courant

où vous m’accusez avoir reçu mes lettres par Mr. Tarteau

du Bourg, qui vous réjoui toutes les trois.

            Pour moy, le jour de la réception des votres, je n’ay

pû les lire : j’ay été obligé de faire venir l’aeconome

pour m’en faire la lecture, la beignant de mes larmes de

Joye. Mon plus grand empressement fut de regarder les

trois lettres ; quand j’ay vu les trois signatures, j’oubliai

tout le passé, car je craignais qu’il y en ait quelqu’une

des trois qui eut perdu le gout du pain, le Chevalier

Rivière m’ayant dit qu’il y en avait deux quy avaient

fluxion de poitrine au commencement de cette année.

            Cela suivant le sang, car dans ce terms là, j’en ay eu

une pù j’ay pensé perdre le gout du pain. Et il me dit

qu’à son départ vous vous portiez toutes bien : je craignais

qu’il me cachat quelque chose, mais j’en vois présentement

la véritté, ce qui me tranquillise Beaucoup.

            Vous me parlez de Mme Pichon de Longueville ; je n’ay

jamais su son départ. Elle vous a dit la véritté quand

elle vous dit m’avoir parlé à l’église. Elle était avec

Mme de Vaudreuil, femme du Général Mr de Vaudreuil lui

donna la main pour monter en chèze et moi je la donnais

à Mme de Vaudreuil. Je ne l’ai pas revu depuis. Je suis

bien charmé d’apprendre son arrivée.

            Je vois ai marqué par une charnière lettre et par

plusieurs duplicata du 31 juin (sic) et 9 novembre dernier

que si la guerre persistait, de faire voir ma lettre

a mon ami Mr Raphaël. Il vous mariera : au lieu de compter

cent mille Louis que je devais compter comptant j’enpayerai

les intérets jusqu’à ce que je puisse faire passer

les fonds et ce quy sera aussito la mer libre.

            J’ay reçu à la fin lettre de mon amy Mr. Raphaël

quy m’a mis beaucoup de baume dans mon sang et dans mon

cœur par la joye que j’en aye ressenti.

            Il me manque qu’on vous demande tous les jours à

mariage par les présidents et conseillers  de vos parlements,

ainsi que par les meilleurs gentilhommes de la province.

            Comme je ne veux point gêner l’inclination de mes

enfans, vous lui ferez voir ma lettre : vous coisirez

chacune votre chois, soit pour lépée, soit pour la Robe.

            Mais je crois, selon moi, que vous aurez plus

d’agrement avec la Robe qu’avec l’Epée et que tant d’Epée. Ils

sont au service, combien ne passerez-vous pas de mauvais

quarts d’heure, votre mary étant au service et toujours

en crainte. Voici ma façon de penser, présentement. Vous

ferez comme vous le jugerez à propos : j’approuverais

tout ce que vous autres ferze.

            Mr Raphaël me marque qu’aussitôt la paix, il m’enverra

un vaisseau de trois cent cinquante tonneaux à moy

appartrnant, qu’il luy mettra la cargaison que je luy demande

qu’il faudra diminuer les tuilles, creuses et plates

parce que je n’en ay plus besoin. J’ay tous mes bâtiments

finis, où je suis logé depuis 2 mois, où il n’y en a pas

dans la païs de pareilles

            Ce qui surprend tout le monde qu’avec un tems aussy

critique que celui-cy, je puisse faire faire des bâtimens pareils.

            Ce qu’il y a de mieux, c’estque je ne dois rien au

païs, c'est-à-dire ce que je dois est peu de chose :

c’est en sucre et les sucres n’étant pas recherchés, l’on

laisse…  Mais qu’y vienne quand on voudra, je ne demande

que le tems qu’il faut pour passer : c’est Cazaux, le père,

qui travaille comme çà !

            Soyez assurées qu’aussitôt la paix ou la mer libre

je vous ferais passer de gros fonds pour vous autres trois.

            Je suis bien sensible au souvenir de Madame Cenan et

des ses demoiselles. Je ne sais pour laquelle donner le

choix : dites leur que sy j’étais plus jeune, pour ne pas

faire de jalousie, je les prendrais toutes deux sans aucune

différence.

            Adieu, mes chers enfans, amies de cœur. Je ferai

vos compliments à mon amy Lasserre qui vous assure de

ses respects. Mes domestiques vous disent le bonjour.

            Vous avez raison de dire que le diable ne sera pas

toujours à la porte d’un pauvre homme : la paix venant

il se retirera du cotté de l’anglais.

 

Cette lettre était adressée

A mesdemoiselles, Mesdemoiselles Cazaux

Locataires au couvent des Carmélites, rue Récollets, Bordeaux.

Jean de Cazaux avait eu 4 filles :

Anne-Agathe, qui épousa Louis Dufaure de Lajarte

Agathe Latoison de Cazaux,

Marie-Madelaine qui a épousé François de Montjon de Lavergne,

Marie-Joséphine qui a épuisé J.J. Maurice de Sentout

            Anne-Agathe était certainement l’une des trois à qui cette lettre était destinée. Je ne sais si la 4ème était déjà mariée ou décédée.

Jean de Caeaux, outre ses fonctions au Parlement de Bordeaux, était donc également armateur et planteur à St Domingue (canne à sucre).

Il devait être le fils cadet de Pierre de Cazaux, né en 1687. Conseiller au Parlement en 1711, président à Mortier le 17 mars 1714 puis Premier Président. Il résilia ses fonctions en faveur de son fils ainé Pierre-Emmanuel,  né en 1716. Conseiller au Parlement en 1740, Président à Mortier en 1745, et décédé en 1778 laissant à son fils Avocat au Parlement, puis Conseiller en 1758 et un des Premier Présidents en 1785. Son unique héritière fut Laure de Cazaux qui, malgré le Terreur, put conserver une très grosse fortune. Avec sa mère, elle habitait en son hôtel de la rue de l’Université à Paris…  hôtel qui devint plus tard celui du Maréchal Soult.

 

En 1980, j’ai correspondu avec M. Yves de Cazaux qui habitait Toulouse. Mais il ne pense pas que sa famille puisse avoir des attaches avec les Cazaux autrefois à Bordeaux.

 

De son mariage Anne-Agathe de Cazaux, Louis eut 5 enfants

- Jean (François né, baptisé et décédé le même jour (1763)

- Antoine-Jacques né le 24 12 1764

- Marie-Madeleine, Anne Agathe née le 10 janvier 1767. Son parrain était Jean Sourin, prêtre (grand oncle) et la marraine, dame Marie Madeleine Cazaux de Montjon (ou Montjou), sa tante. Etaient témoins et on signé : Cazaux Maurice Sentout et son mari (tante). Elle épousa Etienne Gauthier de Latouche.

- Antoine-Jacques-Marie-Joseph, né le 29 septembre 1768, son parrain était son frère et sa marraine sa tante Marie Joseph de Cazaux, épouse de J.J. Maurice de Sentout, président aux Requêtes.

- Françoise- François née le 19 mai 1770. Son parrain était François de Montjon (ou Montjou) de Lavergne, Ecuyer, oncle maternel et la marraine Françoise Boyreau de Conilhy, épouse de Jean Antoine Boyreau de Conilhy, Conseiller au Parlement, cousine paternelle. Etaient témoins Maurice de Sentou, Cazaux Maurice Sentout, Conilhy fils, Anne Conilhy, Citran ‘ ?)

- Anne-Agathe de Cazaux née en 1735, à St Domingue, est décédée à Bordeaux en février 1793n un an avant la mort sur l’échafaud de son marie.

 

Avant la notice sur Antoine-Jacques qui continue la lignée, une courte notice sur son frère Antoine-Jacques Marie-Joseph.

Antoine-Jacques-Marie-Joseph

Il est né le 29 septembre 1768. Il émigre avec son frère pendant la Révolution, sans doute à St Domingue. Je retrouve sa trace en Géorgie (USA) et a Savannah en 1821. Il avait épousé N…. Playsted, puis Victoire Magnan. Il n’a pas eu d’enfants. Il meurt à Bordeaux le 3 juin 1846, où il habitait dans la même maison que son frère. Il avait son testament le 20 mai 1846 : (Me Tornezy). Il léguait ses meubles et la jouissance de 9.000 F à Louis Gauthier de Latouche, son neveu qui habitait alors à Bergerac et qui était le père d’Amélie qui, en 1851, devait épouser Théodore Dufaure de la Lajarte.

Il léguait également une somme de Fr 1.500 à Emile Brassinne. Son neveu Théodore légataire universel.

Je n’ai pas pu savoir quelle était le parenté entre Emile Brassinne et Pierre Philippe Brassine, dont j’ai un extrait de naissance, daté du 24 Messidor An V d’Angoulême. Ce dernier était le fils de Lambert Brassine et de Caroline du Fort ? Qui était Caroline du Fort… ou Dufaure ??...

 

 

© B.Maurice

Le 09/03/2007