PACOT Jean François Ignace


Né à Couvin le 22 mars 1760, Jean François Ignace Joseph Pacot, victime inconstestable du Comité de Surveillance de Givet qui le livra aux terroristes de Paris, entra, à l'âge de dix-huit ans, au couvent des dominicains de Revin où, le jour de sa prise d'habit, il reçut le nom de Frère Louis. Après un noviciat fait à Paris à l'abbaye de Saint-Germain, il revint en son premier couvent et, en 1783, pour son plus grand malheur, il se fit naturaliser français. - La révolution se déchaîne. Deux années passent... En 1791, le Frère Louis est toujours à Revin, mais il ne porte plus la robe blanche et le manteau noir de son ordre. Et pour cause! Un décret de la Convention de février de cette même année venait de supprimer en France tous les ordres monastiques et interdisait aux anciens moines le port des habits religieux. Le 23 juillet suivant, le dominicain d'hier fut bien obligé de se présenter, en compagnie de l'ex-Frère Gérard, devant le "Conseil de défense du pays", ceci afin de verser à ce comité les arriérés d'une somme de 116 livres 12 sols, montant de la contribution personnelle, soi-disant volontaire et patriotique, offerte par chaque religieux pour la défense de la république en danger. Alors que les autres moines s'étaient pour la plupart dispersés dans le département, le frère Louis passa la frontière et s'en fut se réfugier à Couvin sa ville natale. D'ici, il se mit en rapport avec son prieur provincial, le Père Bribosia qui vivait retiré en Flandre. Il lui demandait de pouvoir fonctionner comme vicaire à Gimnée petit village de Fagne, hier encore en comté d'Agimont, maintenant sur les confins du Pays de Liège et à deux milles à peine de Charlemont. Ayant reçu cette autorisation, le dominicain s'en fut donc s'installer en cette petite localité perchée sur la crête du versant sud de la Fagne. Mais, à quelques temps de là, il reçut de son supérieur une missive plutôt contrariante. Le Père Bribosia qui, vraisemblablement, ne se faisait, du fond de sa retraite, aucune idée exacte du danger que pouvait courir à la frontière un religieux français émigré, officiant presque sous les yeux d'un comité terroriste, écrivit au nouveau vicaire qu'il s'étonnait d'apprendre que le Frère Louis n'avait pas eu la fermeté de revêtir les habits de son ordre. Enfin conscient, dans la suite, de l'imprudence de son reproche, le prieur provincial écrivit à nouveau à son subordonné, devenu le Père Pacot, pour lui dire cette fois qu'il "lui laissait la liberté d'adapter son habit aux circonstances..." Trop tard! Par respect pour l'ordre de son supérieur, le vicaire de Gimnée avait repris la robe blanche des dominicains!


Quelques jours après, le Comité de Givet était prévenu pas ses sycophantes. Ceux-ci durent lui confier sans nul doute qu'un religieux français, émigré en Pays de Liège où il s'était mis sous l'autorité d'un prince-évêque tyrannique et ennemi implacable de la révolution, avait poussé l'extrême audace jusqu'à défier les patriotes de Givet en reprenant, par morgue et esprit de bravade, les habits ecclésiastiques que la loi républicaine lui interdisait de porter. Il n'en fallut pas plus pour que, le lendemain, des soldats et les sbires du comité parussent dans Gimnée terrorisé. Pour arrêter le Père Pacot, fouiller le presbytère et faire main basse sur tous les papiers qu'on y découvrit on prit comme prétexte certain sermon peut-être courageux mais imprudent prononcé un dimanche en l'église de Gimnée, et dans lequel le prédicateur avait probablement attaqué les institutions républicaines. Tout Gimnée protesta contre pareille arrestation. Bourgmestre et échevins n'épargnèrent aucune démarche pour arracher le malheureux vicaire au sort qui l'attendait. Tant qu'il resta incarcéré à Charlemont, on pensa que rien de pire ne pourrait lui arriver. Mais on apprit un jour que le Comité Secret venait d'envoyer le Père Pacot à Paris sous prétexte de conspiration ainsi que l'établissaient "les maximes fanatiques reconnues dans les papiers trouvés chez lui". (18 brumaire an II).


Le malheureux était perdu. Emprisonné à la Conciergerie, le dominicain ne comparut devant le tribunal Révolutionnaire que le 7 mai 1794. Il fut condamné à mort le 18 mai, dans la matinée, et fut guillotiné l'après-midi de cette même journée.



© Joseph Chot, écrivain de Olloy "Sous la coupe des sans-culotte de Givet (1792-1794)" , publié à Bruxelles 1934,