MORVAN Olivier Jean
MORVAN OLIVIER-JEAN, né à Pont-Croix, le 15 mai
1754, se fit remarquer de bonne heure comme avocat et comme poète. Comme avorcat, il s'acquit, au barreau
de Quimper, la réputation d'un jurisconsulte consciencieux, habile et éloquent; comme poète,
il attira l'attention sur lui par une Epître aux Muses , insérée dans Ile Mercure du 7 janvier
1786. L'accueil favorable que reçut cette pièce, le détermina à concourir l'année
suivante pour le prix de poésie décerné
par l'Académie française. Son Ode sur le triomphe de humanité
dans le déroulement héroïque du prince Max. Jul. Léopold de 'Brunswick , 1789, obtint
la seconde mention honorable dans un concours où se présenta un si grand nombre de concurrents. 0n
a dit qu'il méritait la première: car M. Noël , à qui elle fut accordée, ' aurait
dû avoir le prix que les Quarante accordèrent à l'une des plus médiocres pièces
qui eussent été présentées à ce concours Mercure
du 8 décembre 1804. " Une Ode
contre le jeu, qu'il dédia à Dussaulx, et que M. de Kerdanet
a insérée dans ses Notices sur tes écrivains de la Bretagne le mit en rapport avec le traducteur
de Juvénal et donna naissance à une correspondance pleine de témoignages de là bienveillance
et de l'intérêt qu'il avait inspirés à ce dernier. " .te vous louerais davantage,
M lui disait Dussaulx, si vous ne m'aviez tant loué. " Le véritable talent poétique que
révèle l'Ode contre le jeu, présageait à Morvan des succès durables, et il n'eût
pas manqué de les obtenir; si la révolution, qui éclata peu après, ne l'avait détourné
de sa paisible carrière pour le jeter dans l
arène politique. La ville de Quimper Ile nomma, le 3 août 1790, membre du Directoire du département,
élection que Morvan n'avait nullement briguée. Il était alors à Paris, où il
était venu porter les Observations du district de Quimper à l'assemblée nationale sur l'établissement
du chef-lieu du Finistère, Quimper, 1790, Ces Observations, dont Morvan était l'auteur, furent présentées
par lui à la députation du Finistère. Accueillies ensuite par l'Assemblée nationale,
elles prévalurent sur l'opinion formulée par Marée, organe du district de Brest. A son retour
de Paris, Morvan concourut à l'établissement du nouveau régime, et fut spécialement
chargé de l'administration des biens nationaux et de leur vente, des traitements et pensions ecclésiastiques,
des mesures relatives à la suppression des droits féodaux, des affaires commerciales et de l'organisation
des municipalités. Quand l'administration départementale du Finistère fut mise en jugement,
pour avoir fait à la France un timide appel contre le sanguinaire despotisme de la Convention, Morvan fut
arrêté et incarcéré à Landerneau. De concert avec ses collègues, il publia
lin mémoire justificatif qui eût dû arrêter les poursuites; mais la mort des administrateurs,
décidée à l'avance, avait réduit la procédure et le jugement qui devait les
frapper à une simple affaire de forme, si toutefois ce nom peut être donné à des actes
de cette espèce. Fort de son innocence, Morvan comptait néanmoins sur un acquittement. " Mon
cher " frère et ami, disait-il dans une " lettre écrite peu de jours avant son " jugement,
je t'écris de la prison de " Landerneau ; mais, avant peu, " j'aurai le plaisir de t'embrasser,
" car aucune charge ne pèse sur moi ; " mon patriotisme est connu, et je " suis certain d'être
bientôt mis en « liberté. » La confiance de Morvan ne tarda
pas à s'évanouir. L'acte d'accusation, Suvre ténébreuse, rédigé,
dès le 24 floréal, par Bonnet, substitut de l'ex-moine Douzé-Verteuil,
ne fut communiqué aux accusés et à
leurs défenseurs que le 30, veille de leur comparution, à sept heures du soir. Trente-quatre accusés
reçurent trois copies seulement de ce factura de 17 pages in-fol.., où les faits tronqués,
dénaturés, mais groupés avec un art infernal, exigeaient une réfutation interdite
par le temps et plus encore par la résolution bien connue d'entraver toute défense. Morvan montra, en cette circonstance,
la noblesse et la force de son âme. Convaincu
désormais que son sort était décidé, il ne s'occupa plus que de celui de ses collègues.
Parmi eux, se trouvaient
deux cultivateurs que la
commission administrative elle-même avait cru
devoir recommander à
la clémence des représentants Jean-Bon
Saint -André et Prieur (de la Marne); mais ce tribunal avait trop soif de sang pour les
écouter. Hors d'état de présenter leurs moyens de défense, les deux cultivateurs trouvèrent dans Morvan un interprète
fidèle et spontané de leurs pensées.
Le lendemain, 1" prairial an II, dès six heures du matin, de forts détachements de l'armée
révolutionnaire gardaient tous les carrefours et les abords du château où les prisonniers avaient été transférés.
Les ouvrages avancés ayant bientôt été
franchis, oh vit arriver à l'ancienne chapelle de la marine , entre deux haies d'hommes armés , les
trente-quatre administrateurs
du Finistère. Les mots Justice dû' peuple, gravés sur une plaque
de cuivre, se lisaient au fronton de l'édifice. C'est là que, sur une estrade, ombragée
des trois couleurs, et
substituée à l'autel des sacrifice siégeaient, décorés du bonnet phrygien, Ragmey,
Lebars, Palis, Douzé-Verteuil, Bonnet et les dociles jurés qui
s'étaient associés aux vengeùl
du peuple. Sur
des gradins, disposés à leur droite, s'assirent les accusé ayant chacun, à ses côtés,
deux gendarmes, le sabre nu, et renforcés d nombreux piquets qui gardaient toutes les issues. Quant aux
défenseur éloignés
de leurs clients, toute communication avec eux leur
était interdite. Les deux premiers jours furent employés
à la lecture d'une immense quantité
de pièces, d'arrêtés, d'adresses, d'extraits de registres dont les défenseurs entendaient
la lecture pour la première fois. Le président Ragmey promenait, pendant ce temps ses yeux sinistres sur l'assemblée saisie
d'effroi ; et si un accusé,
ou son défenseur,
tentait une observation, il passait outre. Quand la parole fut
accordée aux défenseurs, il leur appliqua, dès les premiers mots de leurs plaidoiries, le
système d'intimidation qu'il pratiquait à l'égard des
accusés. Morvan ayant voulu ajouter quelques
mots à la défense que
M. Lehir avait prononcée en sa faveur, Ragmey lui coupa précipitamment la parole et dit, à lui
et à son défenseur, « qu'ils eussent à se renfermer dans la cause, et que le
tribunal ne les écoutait plus Quoique
Morvan se regardât déjà comme
condamné, il n'en voulut pas moins,
jusqu'au dernier moment, disputer sa tête aux
bourreaux. Âussi quand
Ragmey, au mépris des preuves d'alibi invoquées en faveur de quelques accusés,
les eut tous compris dans un résumé commun et daris position
d'une question unique, Morvan fut un de ceux qui
protestèrent le plus énergiquement contre cette monstrueuse confusion.
Inutile tentative. Avant que le jury sortît de la salle de ses délibérations, on entendait
dans la cour voisine les chevaux lit les charrettes que le bourreau Ance, impatient de saisir sa proie, avait amenés d'avance.... Déjà nous
avons fait connaître le raffinement de cruauté qui fut. déployé lors du supplice de vingt-six des administrateur du Finistère, consommé
le 3 prairial an II ( 22 mai 1794).
Nous ne reviendrons pas sur ces pénibles détails. Parmi les nombreux manuscrits que laissa Morvan,
et qui, après avoir successivement passé par plusieurs mains, semblent aujourd'hui perdus, il y avait
: Un grand nombre de plaidoyers et de lettres, entre lesquelles se remarquaient sa correspondance avec Dussaulx, et une autre
avec Rigoley
de Juvigny.
II. Une
épître au ministre Montmorin. III.
Une épître à Mercure. IV. Une ode sur l'établissement d'une Société patriotique de Bretagne.
Outre ses poésies françaises, il avait composé dans l'idiome celtique, qu'il possédait
parfaitement, des chansons dont
on regrette la perte.
Documentation fourni par : P. Priol
le 11/02/2004