Augustin Jean Charles Louis d’ASPE, dit aussi DASPE de MEILHAN.
(né le 13 septembre 1752 au château du Garros, près d’Auch [Gers], guillotiné
le
6 juillet 1794 à Paris).
Historique de la famille Daspe
Le baron Daspe de Meilhan est issu d’une vielle famille bourgeoise de la
vallée d’Aure, plus tard installée à Auch où elle s’agrégera à la noblesse par
charges.
Bernard d’Aspe (1614-1673), docteur en droit et juge-mage au présidial d’Auch
est le premier membre de la famille à s’établir à Auch où il épouse en 1638
Claire de Long, fille d’un magistrat de la ville. De cette union naîtront cinq
garçons et deux filles. Le juge-mage d’Aspe se remariera en 1651, peu après la
mort de sa première épouse avec Marie de Gramont-Montestruc. De ces deux
mariages, naquirent de nombreux enfants qui eurent tous de brillantes
carrières.
Généalogie du baron Daspe de Meilhan à partir de son bisaïeul
Le fils aîné de Bernard d’Aspe et de Claire de Long, Jean d’Aspe,
(arrière-grand-père d’Augustin Jean Charles Louis Daspe de Meilhan), achètera
quant à lui une charge de conseiller au parlement de Toulouse au fils du
célèbre mathématicien Pierre de Fermat. Jean d’Aspe devient président à
mortier au parlement de Toulouse en 1700. Il avait épousé en 1666 Thérèse
Destarac qui lui apportait en dot le château et les terres du Garros, près
d‘Auch. Très fortuné il acquis en 1675 la seigneurie de Meilhan (qui
appartenait à Jean-François de Montlézun) et en 1681 celle de Leboulin.
NB: Le nom de la terre de Meilhan sera adjoint par certains membres de la
famille Daspe à leur nom patronymique, même après sa vente, en 1739, au
Premier médecin de Louis XV, Jean Bertrand Sénac, dont le fils Gabriel Sénac
de Meilhan est passé à la postérité en tant qu‘écrivain. Signalons quand même
que l’intendant et écrivain Sénac de Meilhan n’a aucun lien de parenté avec
les Daspe de Meilhan, du parlement de Toulouse.
Bernard d’Aspe, fils de Jean d’Aspe, (et grand-père d’Augustin Jean Charles
Louis d’Aspe) épousera en 1704 Thérèse Blondel, fille de l’intendant des
bâtiments de Louis XIV, qui apporte, selon certains historiens, une dot de 50
000 livres à son mari! Le mariage est célébré à Versailles en compagnie du roi
et de la famille royale. Bernard d’Aspe sera comme son père président à
mortier au parlement de Toulouse.
Son fils Jean-François d’Aspe (1707-1770), président à mortier au parlement
de Toulouse à la suite de son père et de son grand-père, épousera Marie d’Auxion
de Vivent, fille de Jacques-Antoine de Pardailhan de Gondrin (?), qui apporte
en dot le riche comté d’Arblade. De leur union naîtra le 13 septembre 1752
Augustin Jean Charles Louis d’Aspe.
Vie d’Augustin Jean Charles Louis d’Aspe (1752-1794)
Augustin Jean Charles Louis d’Aspe est, comme nous venons de le voir, issu
d’une famille en vue du parlement de Toulouse. En raison de formalités qui
l’empêchent de posséder une charge en parlement avant un certain âge, le baron
Daspe de Meilhan s‘oriente très jeune vers le métier des armes. Nous le
retrouvons quelques temps plus tard officier au régiment Dauphin-dragons.
Lorsqu’il en a la possibilité, le 7 septembre 1775, le baron Daspe de Meilhan
entre au parlement de Toulouse comme conseiller en la chambre des requêtes.
Lorsqu’elle éclate, la Révolution française trouve Augustin Jean Charles Louis
Daspe de Meilhan président de la chambre des vacations, ainsi que de celle de
la Tournelle, à Toulouse.
Opposé aux idées nouvelles autant qu’à la suppression des parlements il
tentera de combattre la Révolution, de ramener le pouvoir entre les mains de
Louis XVI; le président Daspe prendra notamment le commandement d’une légion à
Toulouse en mars 1791. Cette légion, appelée « Légion d’Aspe » a été formée
pour maintenir l’ordre dans la ville rose. C’est pour cela que le peuple brimé
la surnomme rapidement « Légion Saint-Barthélemy ».
L’ex-président au parlement de Toulouse, d‘Aspe, à présent colonel de légion,
commandera un corps de garde en compagnie du comte Jean-Baptiste Du
Barry-Cérès, lui aussi colonel de légion toulousaine improvisé, et célèbre
beau-frère de la dernière favorite de Louis XV, la Du Barry.
A titre d’anecdote notons que tous trois finiront sur l’échafaud; l’ancienne
favorite parce qu’elle était aussi intrigante que riche, le comte, son
beau-frère parce qu’on le croyait lui aussi très riche (sa vie de libertin et
une mauvaise affaire avec Monsieur, frère du roi, l’avait en réalité projeté
au bord de la ruine, de sorte que les Sans-culottes durent être fort déçus de
l’avoir fait guillotiner pour rien), et enfin le président d’Aspe parce qu’il
était compris dans les décrets d’arrestation des anciens parlementaires, il
était par ailleurs fort dérangeant dans ses convictions politiques.
Le colonel de légion d’Aspe avait informé la municipalité qu’il ne pourrait
empêcher ses hommes de tirer sur les « scélérats soldés », autrement dit
l’ancienne compagnie du guet de Toulouse, sorte de police municipale. Les deux
milices menaçait de plonger la ville dans une guerre civile. C’est sans doute
pour cela que la « Légion d’Aspe », où dominaient les éléments royalistes, fut
dissoute quelques semaines plus tard.
Il paraîtrait que les habitants des terres du baron d’Aspe, et notamment ceux
de sa seigneurie de Fourcès, aient eu à se plaindre de sa rigueur féodale.
Royaliste convaincu, et seigneur sévère, le baron d’Aspe est arrêté une
première fois en avril 1793 comme « suspect ». Il est relâché peu de temps
après, le 30 mai 1793.
Il se retire alors dans le Gers, en sont château du Garros, lieu discret et
éloigné des troubles toulousains d’où il gèrera tant bien que mal ses biens,
sans poser, semble-t-il, d‘ennuis aux autorités locales. C’est pourtant là-bas
qu’il sera arrêté quelques temps plus tard, comme étant frappé par un décret
de la Convention Nationale visant à traduire les anciens parlementaires devant
le tribunal révolutionnaire de Paris.
Et nous savons quel sort leur était réservés… Déjà la moitié des membres du
parlement de Toulouse avait été arrêtée, condamnée à mort et exécutée à Paris
lors des deux mémorables fournées du 20 avril et du 14 juin 1794.
Ce décret n’était autre qu’un prétexte pour se débarrasser d’une élite
fortunée et anti-révolutionnaire, gênante pour les nouveaux maîtres de la
France.
Détenu à l’archevêché d’Auch, puis à Toulouse, le président d’Aspe de Meilhan
est conduit à Paris avec d’autres magistrats toulousains le 18 prairial an II
. Le convoi arrivera à la Conciergerie le 16 messidor.
Le 18 messidor (6 juillet), le président Daspe de Meilhan et les conseillers
de Rey de Saint-Géry, Bardy, Lespinasse, Blanquet de Rouville,
Combette-Labourely, Jugonous, de Poutcharramet, Guiringaud, de Carbon,
Lespinasse fils, Dusagnel de Lasbordes, de Valhausy, de Belloc, de
Lassus-Nestier, de Lamothe, Guillermain, de Mourlous, Tournier-Vailhac,
Barrès, le substitut Perrey sont guillotinés après un jugement sommaire, et
sous la seule accusation d’avoir appartenu à l’un des anciens parlements.
Le président Daspe de Meilhan meurt à l’âge de 43 ans, laissant derrière lui
une épouse éplorée, Marie, née de Gramont de Saint-Barthélemy, et une fille
qui épousera Baron de Monbel, ministre sous la Restauration.
Le président Daspe n’est pas un personnage hors du commun, au contraire, il
évoque le haut-magistrat provincial, imbu de ses prérogatives seigneuriales et
supportant mal les changements apportés par la Révolution. Ses tentatives pour
se recycler dans la Révolution afin de la nier, sinon de la combattre, en font
un porte flambeau de la cause aristocratique, en perte de vitesse certaine,
qui a vu, au moment de la Révolution, son destin basculer.
Parlementaire, homme de guerre et homme d’érudition, le baron d’Aspe est
l’exemple parfait de l’aristocrate de province n’ayant pu s’adapter aux
changements apportés par la Révolution; il l’a refusé jusqu’au bout, jusqu’à
en devenir l’un des martyrs, officieusement à cause de sa fortune et de ses
convictions politiques.