D'
AGEVILLE Claude-Jacques-Henri

Né à Marseille en 1721, exécuté dans cette même ville en février 1794. Architecte et peintre, élève de Jean-Baptiste Van Loo, il occupa une place importante dans le monde des arts du XVIIIe siècle. Aussi était-il tout désigné pour être attaché à l'Académie de peinture de sa ville natale, où il professa avec autorité l'architecture et la perspective, et dont il devint, en 1789, le secrétaire perpétuel.
L'Académie royale d'architecture de Paris le nomma associé-correspondant ; il fit également partie de celle des Arcades de Rome, du musée de Toulouse et fut reçu membre associé de l'Académie des belles-lettres de Marseille le 13 février 1788. En même temps, il était voyer, inspecteur du curage et des travaux du port, enfin architecte de la ville et de la chambre de commerce. En plus de quelques poésies provençales dont la meilleure serait la traduction du Miserere, il a laissé divers travaux : Eloge historique d'André Bardon in-16, Marseille, Jean Mossy, 1783 Mémoire sur les causes qui peuvent diminuer la profondeur du port de Marseille. in-18 ; - Les monuments publics de Marseille ; - Mémoire sur les moyens de rendre navigables les bouches du Rhône ; - Mémoire sur la mécanique, la peinture, le dessin. Pendant la Révolution, il accepta de faire partie du tribunal populaire créé, en 1793, par les sections de Marseille insurgées contre la Convention et le présida en l'absence du titulaire ; cela lui valut de passer devant la commission révolutionnaire présidée par Leroy, dit Brutus, et d'être condamné à mort le 26 février 1794. Plusieurs historiens orthographient son nom en un seul mot.

Bibliographie : Almanach du bâtiment, 1790. - Almanach des artistes, 1776-1777. - Barré, Catalogue du fonds de Provence de la bibliothèque de la ville de Marseille, 5 vol. in-8°, Marseille, 1890-1897. - Bauchal, Nouveau dictionnaire biographique et critique des architectes français, in-8°, Paris, 1887. - Lou Bouquet provençaou vo leis troubadours revioudas (contenant en outre ses vers provençaux), in-12, Marseille, 1823. - Dassy, L'Académie de Marseille., in-8°, Marseille, 1877. - Lautard, Esquisses historiques, Marseille depuis 1789 jusqu'en 1815 (signé : un Vieux Marseillais), 2 vol. in-8°, Marseille, 1884 ; Histoire de l'Académie de Marseille, 3 vol. in-8°, Marseille, 1826-1843. - Parrocel, Annales de la peinture, in-8°, Paris et Marseille, 1862 ; L'art dans le Midi, in-18, Marseille, 1884 ; Les beaux-arts en Provence, in-8°, Paris, 1889. - Saurel, Dictionnaire des villes, villages et hameaux du département des Bouches-du-Rhône, 2 vol. in-8°, Marseille, 1877-1878.
H. Barré.

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D'Ageville a été exécuté au pire moment de la Révolution à Marseille. Au lendemain de la défaite des Fédéralistes de Marseille, commence la grande Terreur
* ou Terreur Rouge. Le tribunal populaire, fonctionnant selon le système du double jury, créé le
11 septembre 1792, sera remplacé par le tribunal révolutionnaire le 28 août 1793. Ce dernier à pour mission de juger révolutionnairement, c'est à dire sans l'assistance d'un jury. Mais les membres du tribunal révolutionnaire eux-mêmes passèrent bientôt pour tièdes. On les accusa d'avoir prononcé trop d'acquittements. Ils furent arrêtés à leur tour et furent remplacés par une commission militaire créée par un arrêté des représentants Barras
* et Fréron* en date du 17 nivôse an II (6 janvier 1794). Cette commission dite " de Brutus " du nom de son président Leroy dit Brutus, jugeait de manière expéditive. Ses pouvoirs était exorbitants. Pas d'acte d'accusation, pas de jury, pas de recours au tribunal de cassation. Nul besoin de motiver ses actes et une procédure plus que sommaire. Les juges en effet, se contentaient de constater l'identité des prévenus, puis ils prononçaient la sentence, et les condamnés étaient aussitôt hissés sur les charrettes et conduits jusqu'à la place, dite alors de la Liberté, où l'échafaud était dressé en permanence. La commission de Brutus ne tint que dix séances et jugea 219 personnes, dont 95 furent acquittées et 124 condamnées et exécutées, dont 14 le 9 février, 23 le 20 et 20 le 21 ! On ne procédait plus que par fournées. Le 26 février 1794, D'Ageville fut l'une des dernières victimes de la commission militaire dont l'ultime séance eut lieu le 3 ventôse an II (13 mars 1794), date à laquelle le tribunal révolutionnaire fut rétabli. (Cf. Usuel de la salle de lecture des A.D. des Bouches-du-Rhône, Archives de l'époque révolutionnaire, série L, sous-série 1Q - Histoire de Marseille, Dubois, Gaffarel & Samat, Marseille, 1913).

Il semblerait qu'un guillotiné sous la Révolution ait pu être " reconnu " plusieurs années après son exécution, par exemple devant un juge de paix. L'inscription a l'état civil a pu se faire à la date de l'acte de reconnaissance du décès. Les biens du condamné ne sont pas forcément confisqués et la succession a pu être liquidée des années après. J'ai personnellement trouvé la transcription en date du 17 juin 1806, d'une exécution capitale prononcée le 9 ventôse an II (27 février 1794). (Tables Boisgelin, Marseille, 1806-1814) - 34F25).
Dans la série L des A.D. des B.d.R., figure plusieurs listes de condamnés.
Dans l'une d'elle, on peut lire :

N°81 - 8 ventôse an II - Dageville Jacques - 73 ans.

Origine : Marseille
Domicile : Marseille
Profession : architecte
Motif de la condamnation : commissaire près le tribunal sanguinaire, espion
des aristocrates, ayant occupé le fauteuil en absence.
Observations (communes à d'autres condamnés) : tous mis hors la loi par
décret de la Convention Nationale du 27 mars1793, et condamnés à mort en
conformité du code pénal, art. 3, titre 1, 2e part., art. 2, 2e section,
titre 1, et art. 3, 2e section, titre 1. (cote L 3122)


Dictionnaire de biographie française
Letouzey et Ané, Paris, 1933, tome I, 716



Documentation fournie par : Georges JOYET